mercredi 1 février 2012

Tu te réincarneras moins...


Si tu es sage, tu te réincarneras moins.
Enfant, ma mère - soucieuse de m'initier aux richesses culturelles du monde - m'a fait visiter le temple bouddhiste de la communauté tibétaine de La Boulaye, en Bourgogne. Les odeurs d'encens, les gongs, les mandalas aux couleurs chatoyantes, ont laissé une vive impression sur la fillette que j'étais.
Par la suite, j ai toujours eu plaisir a retrouver les peuples bouddhistes et leurs sanctuaires si souriants.
94% de la population thai est bouddhiste. Ici, chaque homme, a un moment ou l'autre de sa vie, s'est fait moine pendant au moins trois mois. Une sorte de "service national", qui consiste a méditer sur la mort et l'impermanence des choses. Inutile, dès lors, de préciser qu'on ne voit pas, ici, les choses comme en Occident. On sait bien, en Asie en général et en Thailande en particulier, que rien ne dure. Et qu'il n'est rien de constant, hormis le changement.



Les silhouettes des bonzes, enroulées dans leur robe safran, font partie du paysage. Comme les amulettes portées sur la peau et sensées porter chance. Comme les fantômes, coincés entre deux réincarnations. Et les oracles tirés sur des petites baguettes tombées au sol. Les autels, les temples, les maisons des esprits, demeures miniatures érigées au détour des rues, dessinent la couture entre le profane et le sacré. Tout est lié. Et tout porte a conséquences. Les actions surtout.

Car la doctrine bouddhiste - philosophie selon les uns, religion selon les autres - veut que le karma, cycle des réincarnations, soit conditionné par le comportement de chacun. Le but étant d'arrêter le cycle des réintégrations dans la matière, pour se dissoudre dans le nirvana, qui est béatitude perpétuelle. De là, découle une spiritualité méritoire : si les mauvaises actions génèrent des réincarnations douloureuses et expiatoires, les bonnes actions, en revanche, conditionnent des réincarnations supérieures, dans un être plus évolue, plus proche de l'éveil.



Voila qui explique pourquoi les Thai achètent des offrandes pour les moines, ou du pain de mie pour nourrir les poissons du chao phraya, ou encore des morceaux de cercueil pour enterrer les morts de la nuit (la circulation anarchique est cause de 6 décès quotidiens). Autant de bonnes actions sensées améliorer le karma.
Pour le reste, il ne faut s'inquiéter de rien. "Maï pen raï", dit-on ici, "ça ne fait rien". Une acceptation souriante de la fatalité, a l'image du conseil stoïcien disant qu'il vaut mieux changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde. Une sagesse devenue étrangère a bien des occidentaux prétendant soumettre le réel a leurs caprices.


En arpentant les ruines d' Ayutthaya, ou les siècles ont figé des bouddhas bienveillants dans la végétation, je me dis qu'on gagnerait à être, ne serait-ce qu'un peu, bouddhistes.

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